Séquence 1

Voici que dans les temps immémoriaux, Antsantsa avait épousé Antara. La Terre sortait à peine de l'oubli des ténèbres. Les ténèbres venaient à peine de reculer au delà de l'horizon, déposant Antara sur les rives du fleuve Tsiribihina. Antara portait encore une chevelure de ténèbres. Son ombre éclaboussait encore tout l'espace sur lequel elle posait ses pas. Tout autour du fleuve régnait Antsantsa, terrible roi que tous craignaient et respectaient. Il vit Antara se sécher au soleil et décida de l'épouser. Antara accepta mais lui fit promettre de respecter toutes ses envies. Antsantsa promit et l'emmena dans sa maison.

Antara tomba enceinte et eut de nombreux caprices. Un jour, elle eut envie de manger de la chair de songomby, cet animal qui n'existait que là-bas de l'autre côté du grand fleuve où régnait Ravato, un roi épouvantable et sanguinaire qui exhibait les têtes de ses ennemis sur les piquets qui entouraient son village. " Tu voudrais donc que j'aille sur le territoire de mon ennemi ? " lui dit Antsantsa son époux. Antara ne répondit pas mais une ombre immense semblait couler de ses cheveux. Antsantsa voyant cela prit son vieil esclave Tsimbaloza et partit...

Des jours passèrent. Des semaines. Des mois. Antsantsa ne revenait pas. On commençait déjà à le pleurer. Tous au village étaient convaincus de sa mort. Ravato l'avait sûrement tué. Ils décidèrent alors d'élire un autre roi.


Séquence 2

L'enfant pourtant, dans le ventre d'Antara, continuait à pousser. La première saison des récoltes passa. Toujours pas de naissance. Les premières pluies firent leur apparition. Toujours pas de naissance. Les averses se déversèrent. Toujours pas de naissance. Après dix saisons, l'enfant se manifesta dans le ventre de sa mère et réclama à naître. 
- Pas ici mère, emmène-moi dans la plus haute des montagnes !
Antara partit vers la plus haute des montagnes. Arrivée là :
- Pas ici mère ! Je n'aime pas ce royaume de pierre où règne un prince voleur. L'aigle dérobe les biens des gens dans la plaine et se réfugie comme un lâche sur les hauteurs inaccessibles. Emmène-moi au fond de l'océan.
Antara se dirigea vers la mer et marcha jusqu'au fond de l'océan. Arrivée là :
- Pas ici mère ! Je n'aime pas ce royaume d'écailles où tout vous glisse entre les mains. Emmène-moi dans la forêt.
Antara partit vers la forêt. Arrivée là :
- Pas ici mère ! Je n'aime pas ce royaume de liane où tout s'enchevêtre et s'entremêle. Emmène-moi sur le plus grand rocher des plaines.
 Antara partit vers les plaines et grimpa sur le plus grand des rochers. Arrivée là :
- Pas ici mère ! Je n'aime pas ce royaume nu où le soleil grille les fientes des oiseaux ! Ramène-moi à la maison.
Antara revint à la maison. Arrivée là :
- C'est ici mère. Emmène-moi vers le pilier central qui soutient la maison.
Antara s'installa contre le pilier central qui soutenait la maison.
- Avale un rasoir mère car ton fils ne sera pas celui qui naîtra la tête en bas. Il faut qu'il vienne au monde la tête haute.
Antara avala un rasoir et, de l'intérieur, l'enfant déchira le ventre de sa mère qui mourut. Il se jeta dans le feu du foyer qui se trouvait à côté du pilier central. Les esclaves et les nourrices se précipitèrent pour le sortir de là mais d'un revers de la main, il les repousse et les tue. On appela Ranakombe, le sage du village qui s'amena avec ses assistants.
- Cet enfant réclame un nom !
Ranakombe s'approcha de l'enfant et lui murmura quelque chose à travers les flammes. L'enfant sembla se calmer un moment. Le sage prit une grande inspiration et lança dans le feu une poignée de poudre ocre :  
- Voici lancé le nom de Léon-au-bâton !
- A-t-il attrapé le nom ?
Les assistants regardèrent dans le feu. Une flamme les fit reculer.
- NON !
Le sage prit une autre inspiration et lança dans le feu une poignée de poudre noire.
- Voici lancé le nom de Yakouba.
- A-t-il attrapé le nom ?
Les assistants regardèrent une fois encore dans le feu. Une autre flamme les repoussa.  
- NON !
- Voici lancé le nom de Tsinamboatsy. Voici lancé le nom de Milaloza. Nul ne l'a créé. Nul ne l'a façonné. Nul ne l'a élevé. Tsinamboatsy se crée tout seul. Milaloza ne demande rien d'autre que le malheur. La foudre la plus rageuse tombe à ses pieds comme une simple  étincelle. Tsinamboatsy est Milaloza. Milaloza ne crée que le malheur.
L'enfant ne réagit pas.
- A-t-il attrapé le nom ?
Les assistants jetèrent un regard dans le feu.
- OUI ! Tsinamboatsy Milaloza a attrapé son nom !
Le sage prit une dernière inspiration :
- Soa est ton nom secret, Soa est ton nom de roi et de souverain. Soa-des-doux-Zéphyrs. Soa-des-vers-à-soie.
Les assistants se regardèrent entre eux :
- Mais c'est un nom de fille...
- Un nom de fille ? 
- Un nom de fille...
L'enfant sortit du feu et d'une caresse rendit la vie à sa mère, aux esclaves et aux nourrices. Celles-ci le prirent et l'enveloppèrent dans une douce couverture... ... ... ... ... ...

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